Lors de mon dernier séjour dans le village de L, j’étais confronté aux histoires véhiculant les désirs de certains des habitants. À la suite de plusieurs entretiens avec eux, je me suis aperçu que chacun d’eux désirait être et vivre autrement. À ce moment-là, je ne pouvais que collecter et observer ces mouvements désirants. J’ai aussi analysé la situation en regard de l’étroit territoire dans lequel ils vivent. Puis ayant compris que le territoire qu’ils habitent n’est aucunement le même que celui qu’ils s’imaginent vivre. L’économie des habitants étant apportée par d’autres, village dont les habitants sont transformés en figurants qui singent un micro habitat local pour séduire dans certains cas une image touristique…Ces situations appréhendées dans d’autres lieux m’ont semblé dans ce contexte atteindre leur paroxysme. Ali m’avait commandé cette pièce d’une carte des histoires et des désirs relationnels entre certains habitants de L, collectant les histoires et la mémoire de l’île. Il avait vu nos précédents projets et devinait que quelques territoires pertinents pouvaient se dessiner dans ce futur projet. Par la suite, travaillant dans d’autres lieux, j’ai pu mettre en place des histoires similaires . Je me suis rendu compte que celles des habitants de L. nécessitait d‘être mise en scène de manière cosmogonique. C’est-à-dire de donner forme véritablement à leurs désirs, et de dessiner ce que personne n’entreprend là bas : orchestrer les vecteurs de désirs entre eux, et de fonder une sorte d’esthétisme relationnel de leurs désirs.

La situation de l’île étant d’autant plus paradoxale que nombreux habitants de passage vont là-bas pour rêver l’île. Artistes, cinéastes, photographes, architectes, banquiers qui viennent pour revivre une situation utopique d’isolement et de territoire rêvé. Cette situation creuse l’écart entre ces doux rêveurs déplacés et ces habitants qui eux, fixes, ne peuvent correspondre ni à leur image réelle ni à elles qu’on projette sur eux.